Ce titre qui résume un arrêt du 29 avril 2015 de la Cour de Justice de l’Union Européenne est, évidemment, juridiquement discutable mais a le mérite de la clarté qui n’est pas nécessairement la caractéristique essentielle des décisions rendues par cette juridiction.
La Cour a été amenée à se prononcer en matière d’interprétation de clauses abusives dans un contrat d’assurance décès invalidité adossé à des prêts immobiliers souscrits par un emprunteur français.
Le contenu de ce contrat n’a évidemment pas été discuté par l’emprunteur / assuré comme il est d’usage s’agissant d’un contrat d’assurance groupe « proposé » par le prêteur.
En cours de contrat l’assuré a fait valoir qu’à la suite d’un accident de travail suivi de complications médicales il était désormais reconnu par la Sécurité Sociale comme atteint d’une incapacité permanente partielle de travail à hauteur de 72%.
Il demandait, en conséquence, à l’assureur de régler les échéances restant dues au titre des prêts en cours.
L’assureur a missionné un médecin pour examiner l’assuré.
Le rapport dudit médecin était clair : l’assuré pouvait exercer une activité professionnelle adaptée au moins à temps partiel.
Verdict de l’assurance : refus de prise en charge.
Pour cela elle s’appuyait sur les clauses du contrat et singulièrement sur celle qui définissait l’incapacité totale de travail comme : « (…) l’impossibilité de reprendre une quelconque activité rémunérée ou non à la suite de l’accident ou d’une maladie ».
Cette définition a pour avantage de limiter considérablement les hypothèses de prise en charge par l’assurance puisque, même en fauteuil roulant, sourd-muet, borgne et manchot il est toujours possible de coller gracieusement des timbres pour la Ligue antituberculeuse.
L’assureur en question ne s’appauvrit donc pas et peut faire réaliser de belles publicités à sa gloire sur une musique de Chostakovitch.
L’assuré a contesté cette décision de son assureur devant le Tribunal de Grande Instance de Nîmes soutenant que la clause qui lui était opposée était abusive.
Problème.
Une clause ne peut être considérée comme abusive si elle porte sur l’objet même du contrat.
Le Tribunal a donc saisi, pour avis, la Cour de Justice de l’Union Européenne.
Celle-ci a considéré que le caractère abusif ne pouvait être recherché et sanctionné que s’il s’avérait que la clause en question, même portant sur l’objet du contrat, n’était pas rédigée de manière claire et compréhensible.
La Cour a précisé que cela supposait que la clause soit « (…) non seulement intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical mais également que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause concernée de sorte que le consommateur soit mis en mesure d’évaluer sur le fondement de critères précis et intelligibles les conséquences économiques qui en découlent pour lui ».
Concrètement, pour apprécier si la clause est ou non abusive le juge doit vérifier si lorsque le consommateur l’a accepté (puisqu’il est acquis qu’il ne peut la discuter) il a bien compris les conséquences que pouvaient avoir pour lui son application en cas de survenue de l’évènement qu’elle concerne.
Il peut sembler manifeste que si le consommateur / assuré avait compris que l’état physique ou mental dans lequel il devait se trouver pour pouvoir être assuré au titre de l’incapacité de travail supposait que cet état soit quasi-végétatif, il n’aurait pas souscrit un contrat avec une telle clause et se serait tourné vers un autre assureur n’ayant pas totalement abandonné l’idée… d’assurer.
La Cour de Justice de l’Union Européenne n’a pas tranché la question et laisse donc le soin de le faire au Tribunal de Grande Instance de Nîmes.
Il sera intéressant de prendre connaissance, en son temps, de la décision qui sera rendue.
D’ici là, si vous pensez être dans ce cas, faites-vous défendre.